La question de la morsure est au cœur de bon nombre d’inquiétudes de parents et de professionnels de l’éducation. Elle stresse les professionnels, angoisse les parents, fait mal aux enfants…
Mieux la comprendre permet d’éviter bon nombre de malentendus entre adultes et enfants. Cela permet également de mieux réagir : car chaque morsure est différente et demande donc un accompagnement différent.
Dans cet article, nous verrons donc :
- Les raisons de la morsure d’un enfant
- L’accompagnement de l’enfant qui mord
- Comment prévenir la morsure ?
Pourquoi un enfant mord ?
Le fait de mordre est un acte assez fréquent chez les enfants dès l’âge de 8 mois, en général.
C’est un passage fréquent pour beaucoup, un comportement « naturel » chez le jeune enfant.
Mordre est un geste impulsif qui ne signifie pas la même chose s’il est posé par un bébé, un enfant de 2 ans ou un plus grand. L’accompagnement sera donc différent également.
Même si on peut être tenté de le penser, un jeune enfant ne mord pas « exprès », « pour faire mal », « par plaisir ».
Son cerveau n’est pas encore suffisamment développé pour ressentir la douleur commise sur autrui et comprendre la conséquence de ses gestes sur l’autre.
Derrière ce comportement, il y a toujours une raison.
Notre première mission, pour accompagner la morsure de l’enfant, c’est de la comprendre. Et pour comprendre la morsure, observer l’enfant est nécessaire.
Les raisons de la morsure
- Par amour : Il aime tellement l’autre qu’il veut presque l’incorporer, « l’ingérer ». La « morsure d’amour » est très fréquente chez les bébés jusqu’à 12-15 mois.
- Par jeu : il ne se rend pas compte de sa force, et mord lors des moments de jeu
- Par douleur : Le bébé peut mordre parce qu’il a mal lors des poussées dentaires. Mordre aide à percer la gencive, et donc le soulager.
- Par découverte : l’enfant découvre son environnement par la bouche. L’oralité jouant un grand rôle dans les apprentissages et le développement de l’enfant, il peut mordre pour expérimenter les textures, les goûts, les effets…
- Parce qu’il ne sait pas s’exprimer autrement : un jeune enfant n’a pas forcément le vocabulaire ou la capacité de s’exprimer sur une émotion, une situation… La frustration provoquée amènera la morsure.
- Par colère/contrariété : l’émotion est plus forte, elle envahit tout, il ne sait plus la « contrôler », et mord.
- Pour se libérer des tensions : l’enfant accumule émotions, contrariétés, stress… et il mord pour se délester de tout cela. (Lire l’article sur les crises émotionnelles, la morsure étant une manière de se décharger).
- Pour attirer l’attention : l’enfant a besoin d’avoir des moments de qualité avec l’adulte, en tête à tête. Comme il ne verbalise pas encore « correctement », il peut employer « les grands moyens »: frapper, crier, pincer… et mordre.
Comment accompagner l’enfant qui mord ?
- Première étape : comprendre de quel type de morsure il s’agit
- Ensuite, l’idée est de faire attention aux étiquettes, et de supprimer l’expression « mordeur » ou « enfant mordeur ». Pour aider l’enfant à sortir d’un comportement, il ne faut surtout pas l’y enfermer en lui collant une étiquette.
- Attention : les comportements de l’enfant n’altèrent pas le fait qu’il est une bonne personne. Pour l’accompagner au mieux, il est important de ne pas voir « que » le « mordeur » en lui.
- Eviter la punition, la mise au coin… et surtout ne JAMAIS remordre un enfant qui a mordu ! Rappel : la morsure est un geste impulsif, incontrôlé: il n’y peut rien. L’isoler « au coin » ou sur une chaise de « réflexion », ne lui permet ni de comprendre ni de réfléchir à ce qu’il a fait.
- L’enfant qui a mordu a besoin que l’adulte comprenne les raisons de son geste et réponde à son besoin (d’apaisement, d’affection, de décharge, de sommeil…)
- Une fois l’origine du comportement trouvée et le besoin de l’enfant couvert, il est important de rappeler la règle. Idéalement, cette règle devrait être formulée positivement.
Exemple: Les dents, c’est fait pour manger, la bouche c’est fait pour parler.
La verbalisation joue un rôle important (voir ici un article sur l’importance de la verbalisation)
Concernant la morsure, je vous invite à verbaliser, pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, pour mettre des mots sur l’émotion, le ressenti de l’enfant. « Je vois que tu étais fâché que Paul te prenne ton jouet, je comprends que tu aies pu être frustré ».
La verbalisation sert également pour rappeler la règle (idéalement, après avoir couvert le besoin, pour s’assurer que l’enfant soit totalement disponible à notre message). « D’un autre côté, mordre fait mal. Les dents, c’est fait pour manger, croquer des pommes. La bouche, c’est fait pour parler ou faire des bisous ». Essayez de tourner votre rappel de la règle en positif.
Comment prévenir la morsure ?
Il est possible de mettre en place de petites actions pour éviter et prévenir la morsure.
Bien évidemment, il faudra adapter l’outil à la morsure. Par exemple, le panier à morsures, qui fonctionnera très bien pour les morsures par douleur, sera inefficace pour les morsures par besoin d’attention!
Attention, aucune solution « miracle » n’existe, et le plus important reste d’être à l’écoute de l’enfant, comprendre et couvrir son besoin, accompagner ses émotions, être le garant du cadre et offrir la sécurité nécessaire, en rappelant la règle et en étant le contenant à émotions dont l’enfant a besoin pour se sentir bien.
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Le rituel
Lire un livre en arrivant à l’école (à la crèche) ou en rentrant à la maison quand on observe que les morsures ont lieu dans les 30 minutes après l’arrivée et que l’enfant cherche à attirer l’attention, sortir se défouler dehors vers 13h quand on observe que les morsures ont davantage lieu l’après-midi et que l’enfant est énervé…
L’idée c’est de mettre en place un rituel basé sur l’observation et la compréhension de la morsure. En remplissant le besoin de l’enfant AVANT que la morsure ait lieu, vous mettez toutes les chances de votre côté pour éviter le passage à l’acte. L’impulsion aura disparu, ou diminué, car l’origine de ce comportement aura tout simplement « disparu ».
Ce point-là me tient particulièrement à coeur, plus que tous les outils, car pour moi c’est vraiment l’attitude la plus efficace. Garder à l’esprit que tout comportement de l’enfant, morsure comprise, est le message d’un besoin non couvert.
C’est pour cela que la punition ne sert strictement à rien: la punition s’attache uniquement au comportement, pas à sa cause. En cherchant la cause du comportement et en couvrant le besoin, nous aidons véritablement l’enfant à aller au-delà de son comportement.
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Aider l’enfant à mieux vivre avec ses émotions
Découvrez 15 outils dans cet article.
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Le panier à morsure
En cas de morsure par douleur ou libération des tensions.
Matériel: un panier avec différents éléments à « mordre » (gant de toilette, anneau en bois, branche, Kapla…)

Support-Livre
« Bye Bye les morsures » montre des morsures en lien avec le quotidien de l’enfant.
Bonjour, votre article est très utile et revoit ce que nous avions vu en formation! Je suis tombée dessus ce matin alors j’en profite par ce que j’aimerais vous exposer une situation qui me préoccupe et pour laquelle j’ai un peu de difficultés. Nous nous occupons au sein d’une crèche d’un enfant de bientôt deux ans qui mord régulièrement (ou tape). Il le fait depuis longtemps, des mois et des mois. (Dans son ancienne crèche aussi) Parfois il y’a eu conflit et on peut identifier une cause à son geste. Mais il arrive aussi qu’il morde alors que l’ambiance est assez calme et qu’il n’a pas eu d’interactions avec d’autres enfants. Ça peut être en salle de lecture comme en salle de psychomotricité. D’après une employée de notre structure qui s’occupe d’accompagner les parents il y’aurait un environnement compliqué à la maison mais elle ne peut pas nous en dire plus. Donc j’explique souvent à ce petit que ses dents servent à manger et pas à mordre et qu’avec sa bouche on peut faire des bisous et la main pour caresser etc. Mais je ne n’arrive pas à identifier son besoin à ce moment là et mes collègues non plus. Auriez vous par hasard quelques conseils pour nous?
Bonjour Joelle,
Est-ce qu’il ne s’agirait pas d’un besoin d’attention? Ou un besoin d’exprimer quelque chose (notamment s’il vit des choses difficiles à la maison) qu’il ne sait pas dire autrement? Peut-être lui proposer un rituel pour remplir son besoin d’attention ou l’aider à verbaliser pourrait aider.
Il faut aussi prendre son âge en compte. La morsure est très fréquente à ce stade de développement. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire, mais cela peut aider à se rassurer, se dire que cela passera 🙂
Bonjour,
Article très intéressant qui va peut-être pouvoir m’aider avec mon garçon de 18 mois qui mord régulièrement à la crèche.
Aujourd’hui reprise de la crèche, voilà qu’il mord ce matin une petite fille qui descendait du toboggan… des fois il peut mordre d’autres enfants ou bébés sans qu’il se soit passé un événement particulier et visible. A la maison et dans notre couple tout va bien, nous donnons beaucoup d’attention à notre enfant, nous jouons souvent avec lui ou lisons des livres etc. Je pense pas que ce soit « trop » non plus, il arrive à jouer seul de temps en temps aussi.
A la maison il ne mord pas, du moins il arrive qu’il morde lors de jeu quand on chahute avec lui (cache cache, bisous dans le cou etc.) ou lorsqu’il fatigue.
Il est clair qu’à la crèche il dort moins que chez nous, en semaine il est très fatigué, la fatigue pourrait peut-être expliquer.
Sinon est-ce un manque d’attention ? Ou alors il a envie de s’amuser ou de faire un bisou à l’enfant sans savoir comment faire ?
Pour information au début de son entrée en crèche en février 2020, une petite fille de son âge l’a beaucoup mordu et griffé, cela a peut-être pu l’inspirer… qu’en pensez-vous ?
Le commentaire de Joëlle décrit pratiquement ce qui se passe avec notre enfant à la crèche.
Merci beaucoup pour votre aide et merci encore pour cet article !
Mordre à 18 mois est très fréquent. Surtout en crèche, cela peut être un besoin d’attention ou une difficulté à exprimer ce qu’il ressent.
Lisez des livres avec lui, reformulez ce qu’il ressent, aidez-le à développer son vocabulaire.
Merci pour l’article qui est un bon mémo
C’est bien possible, d’ailleurs ça arrive déjà moins souvent, on sent qu’il fait des efforts et des progrès ces derniers temps! Merci, et bonne soirée 🙂