Dans notre article sur les crises émotionnelles de l’enfant, je vous confiais pourquoi elles étaient « normales », et permettaient à l’enfant de décharger son stress de la journée, de vider littéralement son sac. J’avais également insisté sur le fait qu’il était important de ne pas faire cesser ces décharges, car elles avaient un impact sur le bien-être de l’enfant… et son sommeil !
Ce mois-ci, je vous parle de sommeil, justement.
Je suis beaucoup au contact de professionnels de la petite enfance. Et une des demandes les plus récurrentes de parents ayant un enfant en collectivité est en rapport avec son sommeil. Surtout en crèche.
Beaucoup de parents demandent en effet aux professionnels de limiter le sommeil de leur enfant en journée, pensant ainsi qu’il s’endormirait plus facilement, plus tôt… Dans l’article précédent sur le sommeil, je vous donnais des pistes pour comprendre pourquoi l’enfant avait du mal à s’endormir le soir… Et aujourd’hui, je vous dévoile un secret: cela n’a rien à voir avec la sieste!
Les heures passées à dormir en journée n’influencent en rien l’heure du coucher, ni la qualité du sommeil.
Petit rappel sur les réelles raisons des difficultés d’endormissement de votre enfant
- La décharge, nécessaire à son bien-être, a été interrompue ou interdite.
Exemple : vous venez chercher votre enfant à la crèche ou à l’école, c’est la crise… et là vous stoppez cette crise. Parce que vous ne saviez pas que c’était important de laisser décharger. Parce que vous pensiez que c’était un « caprice ». Parce que vous êtes fatigué après une journée de travail. Parce que vous êtes gêné et craignez d’être jugé par les professionnels ou les parents. Parce que… Peu importe la raison au final.
L’enfant rentre avec vous, son sac à dos plein à craquer. Vous allez au supermarché, car vous n’avez plus rien dans le frigo. A la caisse, il voit un paquet de bonbons. Il est 18h. Vous refusez. C’est de nouveau la crise (le « non » est alors un nouveau déclencheur, jusque-là, c’est normal, vu qu’il n’a pas déchargé précédemment, inconsciemment, il va chercher une autre occasion de se décharger).
De nouveau, vous stoppez la crise (en lui achetant le paquet de bonbons ou en criant…).
Vous rentrez à la maison, la fin de journée est compliquée, il est excité, court partout, ne vous écoute pas, le bain est un cauchemar, le repas difficile… forcément, son sac est toujours plein. Arrive le soir. L’enfant n’a pas déchargé… c’est donc une pile électrique… et il n’arrive pas à dormir.
- Il a besoin de passer du temps avec… VOUS !
Il a passé une journée entière à la crèche, ou à l’école et le foyer / Maison Relais… La structure peut être la meilleure du monde… ce n’est pas vous ! Alors le but n’est pas ici de vous culpabiliser, mais de vous faire prendre conscience que votre enfant a besoin de passer du temps avec ses parents. Plus l’enfant passera de temps en collectivité, plus il aura besoin de passer du temps avec vous. Et donc cela risque de décaler l’heure du coucher. Le priver de sommeil ne remplira pas son besoin de vous… au contraire, non seulement le besoin de présence ne sera pas rempli, mais en plus il sera épuisé (et la fatigue est un très gros caillou dans le sac à dos). Il risque d’être plus « difficile », en structure comme chez vous.
- Son rythme n’est pas le vôtre
L’image qui consiste à voir un enfant bordé et endormi à 20h, et les parents libres de leur soirée… c’est la plupart du temps… une histoire de conte de fées.
La réalité est très loin de cette jolie fable.
Bien sûr, il existe des enfants qui s’endorment à 20h tous les soirs, et qui demandent même à aller se coucher.
Mais si votre enfant n’est pas ainsi, c’est tout aussi « normal ».
Certains enfants ont des rythmes bien plus atypiques, comme par exemple un endormissement naturel et fluide (sans forcing) à 21h, voire 22h. Ma fille, par exemple, s’endort naturellement à 22h30 depuis sa naissance.
Par rapport à cela, en tant que parents, nous avons deux choix : ou bien nous acceptons ce rythme, ou bien nous forçons notre enfant. En forçant, nous risquons bien de créer des problèmes relationnels avec lui, un rapport de force qui teintera l’endormissement de stress et de lutte. Ce n’est pas du tout une bonne entrée en matière dans son rapport au sommeil, pour un court, moyen et surtout un long terme !
Pourquoi dormir l’après-midi est important ?
L’enfant apprend et grandit en dormant. Les cellules du cerveau se régénèrent, et les apprentissages s’intègrent et se digèrent.
L’état de fatigue extrême est un grand stress pour le cerveau. Il se met en alerte rouge, tous les signaux d’alarme sont actifs. Cela place l’enfant en position de « survie ». Il aura plus de mal à apprendre, mais il sera aussi beaucoup plus intolérant à la frustration, aura du mal à gérer ses émotions, risque d’être plus « violent », physiquement ou verbalement.
Pour apprendre et être bien, le cerveau a besoin d’être dans le « vert » : pour cela, les besoins de base doivent être couverts. Cela comprend boire, manger, avoir un toit, être dans un environnement sécurisé… mais aussi dormir.
« Oui, mais quand mon enfant ne dort pas l’après-midi, il s’endort plus tôt le soir ! »
Comme dit plus haut, cela n’a pas forcément de rapport. Et si cela en a un, cela veut dire que votre enfant ne tient plus debout, qu’il est littéralement épuisé… ce qui n’est pas une bonne chose pour lui, tant au niveau physique, émotionnel, cognitif…
Par contre, ce qui a un rapport, c’est notre propre état émotionnel de parent lors du coucher. Par exemple, si vous êtes persuadé que cela va être catastrophique car il a dormi deux heures l’après-midi, cela risque de l’être. L’enfant absorbe l’énergie des personnes qui s’occupent de lui.
Comment aider un enfant à s’endormir le soir ?
- En le laissant décharger en fin de journée
- En lui proposant un temps de qualité avec vous, rien que vous, autour d’une histoire, d’un jeu, d’une discussion, d’un câlin…
- En ne le privant pas de sa sieste l’après-midi, ni en essayant de la restreindre
- En essayant de rester zen et de comprendre le besoin de son enfant (est-ce une question de rythme ? un besoin de présence ou de décharge ?…)
- En installant un rituel immuable tous les soirs (voir notre article précédent)
Merci beaucoup pour cet article qui m’éclaire sur les besoins de ma fille. Son papa est heureux que je le laisse jouer avec sa fille avant le coucher maintenant… Moi qui lui disais toujours de ne pas l’énerver !
Super, je suis contente 🙂 Oui, laissons nos maris aider les enfants à se défouler, ils sont très doués pour cela 🙂
Merci.
Mon souci Monsieur E a 4 ans et ne veut pas faire de sieste à la maison par contre à l’école il dort.
Je ne travaille pas, ce sont les vacances et Monsieur E ne s’endort qu’à 00h30.
Je suis épuisée.
Quels conseils m’apporterez-vous
J’essaierais d’en savoir un peu plus, de comprendre la raison pour laquelle il ne s’endort qu’à minuit passé, sans avoir fait de sieste. J’ai malheureusement trop peu d’infos pour vous donner des conseils, mais je vous dirais d’aller chercher ce qu’il se passe: est-ce qu’il a besoin de passer plus de temps avec vous que d’habitude? Est-ce qu’un événement est survenu récemment? (L’arrivée d’un petit frère ou d’une petite soeur, par exemple). S’il ne dort pas avec vous mais qu’il dort à l’école, c’est probablement qu’il veut être avec vous 😉 Avez-vous essayé la sieste commune?
Bonjour Victoria,
Merci pour cet article de qualité comme toujours. Une question cependant. Je travaille en horaires décalés. Le matin je peux prendre mon temps avec mes 2 petits de 4 ans et 1 an et demi car je pars à 9h30. Par contre le soir j’arrive en général à 19h45 donc ils sont avec leur Papa qui les a récupéré à 18h15 à la crèche et périscolaire. A mon arrivée je sens bien qu’ils ont besoin de temps de qualité auprès de moi mais il est tard. Mon gros problème est que si je retarde l’heure du coucher, ils auront du mal à se réveiller le lendemain pour 7h30. Le grand doit être à l’école pour 8h20 et je ne peux laisser le petit tout seul le temps que je suis à l’extérieur. Pensez-vous qu’il est bon de les réveiller ? Il vaut mieux cela qu’insister pour qu’ils dorment avant 21h ? J’ai très peur qu’ils manquent de sommeil. Le grand ne fait plus de sieste. Merci d’avance pour votre aide. Bien cordialement, Magalie
Bonjour Magalie,
Oui je comprends bien votre dilemme. Je trouve qu’il est important de remplir leur réservoir affectif le soir, et donc de prendre un peu de temps de qualité avec eux. Leur endormissement n’en sera que plus serein, car vous les aiderez à recharger leurs batteries émotionnelles.
Dans un monde idéal, il serait effectivement mieux de ne pas les réveiller. Mais c’est ainsi: le grand doit aller à l’école. Je ne vois pas trop d’autres solutions, car en effet, faire du forcing le soir ne serait pas une bonne solution pour moi. C’est un moment privilégié avec vous, qu’il convient à mon sens de garder.
Bonjour,
Merci pour toutes ces informations. Je suis vos publications avec beaucoup d’intérêt.
Après avoir lu cet article, j’aimerais décrire une situation. Ma fille de 2 ans et 7 mois a toujours dormi assez tard, vers 23h voire mi-nuit, et cela depuis ses 4 mois environ. On respect son rythme, cela ne nous pose pas de problème, et elle faisait une nuit de 12h avec une bonne sieste la journée. Par contre, depuis quelques mois elle ne dort presque plus en journée (et de moins en moins d’ailleurs), ni à la maison (elle se tient début et refuse de s’assoir pour rester éveillée), ni en poussette (même si je roule plus d’une heure en continu, elle chante et parle pour ne pas dormir), ni après une séance piscine (cela marchait avant), ni chez l’assistante maternelle (où normalement elle dormait assez facilement). Je ne la force pas, par contre je lui propose (ou je me laisse faire comprendre) d’aller faire une sieste l’après-midi. Elle refuse, change de sujet, invente une histoire. Elle joue bien, mais je vois qu’elle est fatiguée et moins attentive. Je diffuse des huiles essentiels pour créer une ambiance calme à la maison, elle ne mange pas de sucreries… Je pense qu’elle est encore petite pour ne pas dormir en journée, mais j’essaie de pas stressé non plus. Ces nuits sont maintenant de 10h environ et elle se réveille souvent une fois (il nous suffit de la remettre dans sont lit qu’elle reprend le sommeil assez facilement). Aller se coucher le soir n’est pas du tout une crise. Alors, comment aider un enfant à comprendre qu’il a besoin de dormir ? Ou est-ce que cela serait simplement le rythme naturel de ma fille ? Merci d’avance
Bonjour Marina,
En fait, les enfants sont comme les adultes: certains ont besoin de plus de sommeil que d’autres.
Et puis il peut y avoir une petite lutte contre le sommeil aussi, qui peut être vu comme une perte de temps.
Elle a donc peut-être envie de jouer, et cette envie est plus forte que le besoin de sommeil.
Pour moi, le plus important reste de ne pas forcer les choses.
Par contre, vous pouvez proposer un temps calme.
Il existe également des enfants qui, pour s’endormir, ont besoin d’entrer en point de rupture avec l’adulte. Ceci vient répondre à un besoin de décharge émotionnelle, nécessaire à l’endormissement. On le repère, notamment, lorsque l’on reste avec un enfant dans le lit et dans la pénombre. Sans qu’il ait la possibilité de jouer avec autre chose, tout en restant à côté de lui, en verbalisant. Il peut alors entrer dans une crise émotionnelle intense (la décharge), et s’endormir pour une belle sieste. Si vous sentez que cela peut concerner votre fille, c’est que probablement elle a besoin de rencontrer ce point de rupture pour trouver un déclencheur à sa décharge. C’est totalement inconscient bien évidemment. Essayez si vous le souhaitez, dans la douceur et la bienveillance, de proposer d’être ce contenant (il ne s’agit pas de la maintenir de force bien évidemment!)… Et voyez comment elle réagit.
Merci infiniment de tous vos conseils précieux et de vos formations proposées. Responsable de la pédagogie dans une école maternelle, j’ai actuellement du mal à endormir un enfant pour la sieste. Avant de se reposer, nous faisons notre rituel: brossage de dents, pipi et brain gym. Puis méditation et musique douce. Alors qu’il dormait bien, aujourd’hui il refuse de se reposer. Il s’agite jusqu’à la décharge émotionnelle que je lui laisse faire. Mais pas de dodo. Auriez-vous quelques tuyaux comme les bouteilles de retour au calme Montessori?
Merci
Bonjour Laurie,
Merci de votre retour. Vous pouvez lui proposer un temps calme, mais attention aux stimulations que vous allez lui proposer (les fameuses bouteilles sensorielles restent des stimulations, même douces). Je pense que vous faites déjà beaucoup (brain gym, méditation, musique douce, laisser la décharge se faire)… mes « tuyaux » seraient plutôt des questions: est-ce qu’un événement est survenu? que vous dit-il? Pensez-vous qu’il lutte contre le sommeil… ou qu’il n’a tout simplement plus besoin de dormir l’après-midi? Les besoins en sommeil varient beaucoup d’un enfant à l’autre…
Combien de temps doit durer une sieste pour un enfant de deux. Si l’enfant dort 3h doit on le réveiller. La maman veut que cela dure 1H à 1H30 pas plus pas car le soir au coucher elle s’endort très tard. Je ne suis pas d’accord avec elle. Dormir fait bien grandir l’enfant.
Un enfant ne devrait jamais être réveillé. Si l’enfant ne s’endort pas le soir, cela n’a rien à voir avec sa sieste, mais, comme je l’ai indiqué, probablement car il a besoin d’un temps de qualité avec sa mère, de se décharger ou de rituel. Raccourcir la sieste ne changera rien, c’est même une pratique violente. Vous pourriez imprimer cet article et le lui donner par exemple 🙂 ou proposer un rdv pour lui expliquer la situation calmement (avec votre direction, si vous êtes éducatrice en structure d’accueil).