Il y a longtemps, j’ai remarqué l’amour des enfants pour des objets particuliers et inattendus. Nous avons, nous-mêmes, probablement tous le souvenir de jeux avec des barils de lessive, des cartons ou les coussins du canapé qui devenaient des châteaux ou des cachettes… Et si vous êtes parents, vous avez déjà probablement remarqué que souvent, vos enfants jouent davantage avec l’emballage du jeu qu’avec le jeu en lui-même. Je me demandais alors quel était ce super pouvoir d’attraction des cartons d’emballage et des coussins. Et un jour, j’ai découvert la pédagogie Reggio. Je vais d’ailleurs m’y former en fin d’année, et j’ai hâte de pouvoir vous en dire (beaucoup) plus !
Donc dans cette pédagogie, qui partage énormément de valeurs et de points communs avec la pédagogie Montessori, l’adulte essaie, entre autres, de mettre en place un environnement riche, stimulant, intéressant pour les enfants. Et dans cet enrichissement du milieu commun à toutes les pédagogies non formelles, on se rend compte que les objets utilisés ont un point en commun : ils ont un très fort pouvoir d’exploration. C’est-à-dire qu’ils sont le moins « finis » possible. Un jouet électronique, par exemple, a un pouvoir d’exploration assez faible : l’enfant l’allume en appuyant sur un bouton, il explore rapidement les différentes fonctionnalités, suit un jeu… et en fait assez rapidement le tour. Vous trouverez ce problème dans la plupart des jouets dits « modernes », qui se veulent « éducatifs ». Au final, et même assez rapidement, le jouet est délaissé.
Hier soir, je donnais une conférence à la bibliothèque d’Habay, sur la gestion bienveillante des écrans. Cette soirée fut vraiment très riche, avec une trentaine de participants réellement motivés à faire évoluer leur accompagnement par rapport à ça, sans extrémisme d’un côté comme de l’autre (0 gestion, ou total laisser faire). Et ce qui revenait, c’était la question suivante : ok pour limiter, mais on fait quoi avec nos enfants ? Ils ne savent pas s’occuper seuls, comment faire ?
J’ai demandé alors à Morgane, qui travaille à la bibliothèque, qui suit mes formations et qui m’a invitée, à raconter l’histoire de la pelote de laine.
L’histoire de la pelote de laine, c’est une maman qui achète un jour 3 pelotes de laine à 50 centimes, et qui les ramène à la maison. De semaines en semaines, après l’école, ses enfants et leurs petits copains jouent avec en créant tout un univers : ils relient tous les meubles de la maison entre eux, coupent des bouts (des petits, des grands) pour en faire une «soupe»… ça les a occupé des heures et des heures ! 3 pelotes de laine.
Cette laine, c’est exactement ça : un objet à très forte valeur créative. Au travers de ce genre d’objets, l’enfant peut explorer et exprimer sa créativité via son médium à lui. Tout le monde n’est pas créatif de la même manière, et ces objets permettent justement à l’enfant (comme à l’adulte d’ailleurs) de s’exprimer selon son enthousiasme. Nous n’avons pas demandé à l’enfant de tricoter, ou de coller des bouts de laine sur une feuille pour représenter les cheveux d’un bonhomme… nous avons juste fourni le matériel de base, que l’enfant s’est approprié… comme il le fait avec les cartons d’emballage, qui ne subissent aucune consigne, contrairement à beaucoup de jouets ou d’activités communément proposées.
Dans la pédagogie Reggio, nous essayons donc de proposer à l’enfant des objets à forte valeur créative : des bouchons de bouteille ou de liège, des galets en verre, des pommes de pin, de la laine, du carton, des anneaux, des ressorts….. pour qu’ils puissent exprimer ce que Loris Malaguzzi (le créateur de la pédagogie Reggio) a appelé les «100 langages de l’enfant».
Les enfants préfèrent donc les cartons d’emballage, et c’est très chouette !