J’ai le plaisir d’inaugurer le carnaval d’articles autour du jeu (voir le programme ici) avec cet article qui a pour objectif de replacer le jeu à la place qui devrait lui être faite dans la vie de l’enfant: centrale. Parce que le jeu, c’est du sérieux!
Je suis une grande passionnée de jeu: jeux libres, jeux de construction, jeux d’imagination, jeux symboliques, jeux de société… et au cours de mes divagations sur YouTube, je suis tombée sur une vidée de Peter Gray le weekend dernier, que j’ai diffusée sur notre page Facebook (activer les sous-titres en français si nécessaire):

 

Cette vidéo m’a bouleversée, et c’est elle qui fut à l’origine de ce carnaval d’articles.

Le jeu, c’est du sérieux!

En effet, je pense qu’aujourd’hui plus qu’à n’importe quel autre moment de l’Histoire, il est important de rappeler l’urgence de revaloriser le Jeu. Dès tout petit, à la crèche, Bébé fait des « activités ». Ces histoires d’activités virent presque à l’obsession: il FAUT faire, prévoir, proposer des activités. A la maison aussi, je vois les mentalités évoluer… De nos parents et grands-parents qui passaient la majeure partie de leur temps libre à jouer, nous sommes passés à une société de la rentabilisation des temps extra-scolaires: activités sportives (une à deux par semaine), musicales etc… même le weekend est bien souvent attaqué. Il faut créer des activités « éducatives »… il n’y a qu’à voir ce qui circule sur Pinterest… et les enfants ne sont plus libres de jouer. Pourtant, jouer librement, ne rien prévoir, laisser du temps, offrir aux enfants la chance de « s’ennuyer »… tout cela est un terreau fertile pour pleins de choses. Il y a souvent cette volonté de remplir notre quotidien avec « pleins » d’activités. Pour autant, offrir du « vide » à l’enfant, et la possibilité de jouer (parfois avec « rien », voir cette brochure de la ville de Genève) est fondamental. Je vous citerai plus bas les principaux bénéfices du jeu libre…

Mais avant, je réponds à une question que beaucoup d’éducateurs et de parents me posent: en soi, quel est le problème de proposer des activités? 
En fait, le souci n’est pas tant dans le fait de faire des activités que… de ne pas assez jouer. Le jeu libre est relégué à la deuxième place, comme je le mentionnais dans l’article d’introduction (et glossaire du carnaval). Il vient APRES: après les activités, après l’école, après les devoirs, après le sport… Comme s’il était « moins » important. Comme si les professionnels avaient l’impression de ne « rien » faire, lorsque l’enfant jouait. Comme si les parents avaient l’impression que l’enfant perdait son temps, à jouer. Il s’agit pour moi de trouver un équilibre.

Quels sont les bénéfices du jeu libre?

  • Le jeu développe la créativité. Parmi toutes les règles et routines que l’enfant doit suivre et qui le structurent, il a besoin d’avoir un espace journalier plus ouvert et flexible. Pour respirer. Cela va lui permettre de développer son imagination et sa créativité. Jouer à être un autre (le jeu symbolique), faire des associations d’idées, assembler et empiler, raconter des histories ou tout simplement se laisser guider par ce qui vient… le jeu permet tout cela.
  • Le jeu a des fonctions psycho-hygiéniques: il peut se défouler, sortir son stress, rejouer des scènes ou des situations qui le tracassent (maman a un bébé dans son ventre, papa et maman se séparent, la maîtresse a crié ce matin…) ou qui ont simplement besoin d’être rejouées pour être intégrées.
  • Le jeu développe la relation aux autres. Tisser et développer des liens, s’engager dans une interaction sociale, s’affirmer et prendre sa place tout en respectant et en écoutant l’autre, discuter des règles, négocier, étudier la stratégie de l’autre ou développer la sienne… Le jeu est un grand enjeu social pour les enfants. Jeunes, ils auront tendance à jouer seuls, ou à côté des autres. Progressivement viendra le « jouer ensemble ». Le jeu est donc un formidable soutien à la socialisation de l’enfant.
  • Le jeu permet d’apprendre à respecter des règles. Ce que l’enfant apprendra lors du jeu (n’importe lequel) aura tendance à être réinvesti dans la vie. Ainsi, jouer à des jeux de règles avec ses enfants les aide à mieux intégrer les règles de la vie quotidienne.
  • Le jeu développe la motricité globale et la psychomotricité fine de l’enfant. Il devra en effet faire preuve de patience et de minutie pour créer une tour de Kapla sans la faire tomber ou fabriquer une voiture en Légo sans la casser. Manipuler de petits objets l’aide concrètement à développer sa psychomotricité fine, et déplacer de lourds objets ou faire les va-et-vient entre l’étagère et son tapis de jeu développera sa motricité globale.
  • Le jeu permet à l’enfant d’enrichir son vocabulaire, de communiquer et d’étoffer son langage. En effet, l’enfant entre en communication pour raconter une histoire (jeu symbolique, par exemple), mais aussi pour se faire comprendre.

 

Quelques vidéos pour poursuivre la réflexion sur le jeu

  • Le jeu ne sert pas qu’à se détendre:

 

  • Le jeu sans règles ni consignes est très constructif et formateur!

 

  • Le jeu est les apprentissages, interview d’André Stern

 

3 livres pour aller plus loin

Voici quelques livres que nous vous conseillons. J’ai particulièrement aimé ces trois-là, mais il en existe pleins d’autres.

  • Jouer: faisons confiance aux enfants!

Ce livre m’a plu car il aide à lâcher prise sur ce que l’enfant DOIT faire… André Stern milite beaucoup pour une éducation basée sur l’enthousiasme, car l’enthousiasme serait (et je le rejoins!) le moteur de l’enfant pour apprendre. Le jeu permet de susciter cet enthousiasme très fortement.

  • Des espaces pour jouer

D’avantage tourné vers les professionnels (encore que), ce livre permet de comprendre les notions clé pour mettre en place en environnement facilitant le jeu.

  • La pédagogie du jeu

Quelles sont les différences entre jeu libre et activité? Comment mettre en place une pédagogie du jeu? L’auteur guide la réflexion autour de la prise en charge des touts-petits.

Pour les retrouver, c’est par ici:

Dans le prochain article, nous vous parlerons de la posture de l’adulte (parent ou professionnel) dans le jeu de l’enfant.

Sommes-nous obligés de jouer avec lui? Comment agir? Devons-nous agir?