L’un des points le plus souvent évoqué avec crainte par les parents et les éducateurs est celui de la sanction : comment faire comprendre à un enfant la conséquence de ses gestes ? Comment permettre à un enfant de grandir sans tomber dans la « tyrannie » de « l’enfant roi » ?

La punition est l’une des traditions les plus anciennes de l’éducation : les châtiments corporels, les brimades et autres privations ont été le quotidien des enfants pendant des siècles. Et si depuis une cinquantaine d’années, l’opinion publique s’ouvre sur d’autres manières de faire, du « il est interdit d’interdire » des années 60 à la percée actuelle des pédagogies alternatives, il reste encore bien souvent la croyance que la punition est un gage de bonne éducation et que ce n’est pas un service à rendre aux enfants de ne pas les punir, car cela les maintiendrait dans l’illusion d’un monde façon « bisounours ». Or, nous savons aujourd’hui que la punition ne sert à rien et qu’elle est plutôt contre-productive.

En effet, dans une vision bienveillante et positive de l’éducation, nous évitons la punition pour deux raisons :

  • Parce qu’elle est inefficace

La sanction n’a jamais empêché quiconque de recommencer… et selon la célèbre phrase, si la punition marchait, il y a bien longtemps que nos prisons seraient vides. Or, force est de constater que cela n’est pas le cas.

La punition est inefficace car elle se porte sur le geste, mais pas sur sa cause : l’enfant est puni parce qu’il a prononcé des injures, parce qu’il a frappé son frère, parce qu’il a couru dans le couloir alors que cela faisait trois fois qu’on lui disait de ne pas le faire… L’adulte sanctionne l’enfant pour un comportement qu’il a considéré (à juste titre ou pas) inadéquat.

Or, les gestes sont des messages pour les enfants. Leur comportement est un indicateur de leurs besoins, physiques ou émotionnels. Les « bêtises », « caprices » et autres « désobéissances » sont donc des appels que l’enfant nous lance pour nous dire quelque chose : il est fatigués, a besoin d’attention, de calme, de temps, d’autonomie… Punir, c’est rester sur le geste sans chercher à décoder le message. Et tant que le besoin n’est pas assouvi, l’enfant continuera donc, avec de plus en plus de violence parfois, et jusqu’à ce que quelqu’un l’écoute et l’entende.

  • Parce qu’elle nuit à la confiance en soi de l’enfant

La punition stigmatise un enfant d’après son comportement : c’est le « mordeur », le « cancre », le « lent »… elle colle des étiquettes : est puni celui qui ne se conforme pas, celui qui n’est pas accepté… l’enfant ne se sent donc pas admis, accueilli, accepté tel qu’il est. Avec le temps, il intègrera l’étiquette comme étant la vérité sur lui et tâchera de se conformer à la façon dont on l’a vu à un moment donné de sa vie, s’éloignant ainsi de sa véritable personnalité.

D’autre part, la punition vise à recadrer l’enfant, le maintenir dans le « droit chemin », et donc il intègrera qu’il y a en lui quelque chose de mauvais qu’il faut absolument garder sous contrôle. Dans les deux cas, la construction de la confiance en soi de l’enfant sera altérée.

Pour autant, un enfant a besoin d’un cadre. L’éducation laxiste, c’est-à-dire celle dans laquelle l’enfant est abandonné à lui-même, sans règle ni cadre, insécurise beaucoup.

Mais alors, comment faire sans punir ?

Premièrement, et puisque le geste de l’enfant est un message qui vise à exprimer un besoin, attardons-nous en premier lieu à décoder le message. Essayons de comprendre ce qu’il se passe : Y a-t-il eu un changement dans la vie de l’enfant ? Traverse-t-il des épreuves (arrivée d’un petit frère ou d’une petite sœur, divorce, déménagement, entrée à l’école…) ? Est-il fatigué ? A-t-il besoin d’attention et de proximité ?

Deuxièmement, et une fois que nous avons compris le message, tâchons de répondre au besoin de l’enfant. La plupart du temps, cela tournera autour des besoins de base: la faim (besoin de manger), la fatigue (besoin de dormir), l’attachement (besoin d’un câlin, d’attention, d’un temps de qualité seul avec l’adulte…). Ce n’est qu’en écoutant et répondant au besoin que nous pourrons arrêter le comportement.

Troisièmement, nous pouvons proposer à l’enfant de réparer ce qu’il a fait. Cela s’appelle la conséquence réparatrice. Elle diffère de la punition en cela qu’elle vise, une fois  les besoins de l’enfant remplis, à proposer de prendre conscience de ses actes et de se mettre en action selon la méthode qu’il choisira pour réparer. La punition étant imposée par l’adulte, la conséquence réparatrice quant à elle est la possibilité offerte à l’enfant de rétablir et réparer le lien, dans l’équilibre d’une relation.

Ainsi, s’il a sali ou cassé quelque chose, nous pouvons lui proposer de nettoyer ou réparer. S’il a blessé quelqu’un, nous pouvons lui proposer de trouver sa façon à lui de demander pardon. Il est important de ne pas obliger l’enfant à s’excuser d’une seule manière (« dis pardon », ou pire : « fais un bisou »), mais à l’aider à trouver la manière qui sera la bonne pour lui (faire un dessin, fabriquer quelque chose, faire un gâteau…).

Voici quelques citations inspirantes sur le sujet de la punition :

« Les punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n’aboutissent jamais au but recherché. » Célestin Freinet

« La notion de devoir payer pour les comportements inappropriés reste très ancrée. Pourtant les enfants s’améliorent lorsqu’ils se sentent encouragés. » Jane Nelsen

« La punition n’apprend qu’une chose : à éviter la punition . » B.F. Skinner

« L’enfant qui a le plus besoin d’amour est souvent celui qui se montre le moins aimable. » Jane Nelsen

« Punir n’est pas manifester son autorité. Nous punissons par manque d’autorité. » Isabelle Filliozat

« Si les punitions éduquaient, ils y aurait belle lurette que l’espèce humaine ne commettrait plus de crime». Isabelle Filliozat

« La carotte et le bâton sont des stimulants persuasifs et fréquemment utilisés. Mais traitez les gens comme des ânes et ils se comporteront comme des ânes. » J. Whitmore

« Pourquoi s’étonner que nos enfants pensent à se dédouaner, à se déresponsabiliser plutôt qu’à chercher des solutions pour régler les problèmes qu’ils rencontrent ? Nous les avons habitués à la punition en réponse à leurs comportements inappropriés plutôt que de trouver des moyens de les régler ou que faire amende honorable. » Faber et Mazlish